Le Festival de l'Imaginaire

Par Christian Pambrun

Le Festival de l'Imaginaire s'est tenu du 23 février au 9 avril à Paris. Pour cette dixième édition, de nombreux spectacles inédits du monde entier étaient proposés par la Maison des Cultures du Monde. Que ce soit à travers la musique des Acholi d'Ouganda, les chants d'amour syriens, ou les Pleureuses de Colombie, le Festival n' a pas cessé de stimuler l'imagination de ses spectateurs et de les faire sortir de leur quotidien. L'équipe du MagClub a assisté à la représentation de YoGaMoi, un spectacle de danse mexico-japonais très particulier...

C'est au sein de la Maison des Cultures du Monde qu'a eu lieu la première du spectacle Yo.Ga.Moi ., le 9 mars 2006. Crée et interprété par Irène Akiko Iida, ce véritable « one-woman show » dégage une énergie inspirée qui pousse le spectateur à rentrer au cœur des interrogations – voire des possibles névroses- de sa compositrice de talent.

La salle des représentations de la Maison des Cultures du Monde se remplit rapidement et le public attend impatiemment l'arrivée sur scène de l'artiste mexico-japonaise, dont la performance à venir est assez mystérieusement décrite dans le programme distribué aux spectateurs. La création traite de « la notion d'identité. Le titre YoGaMoi fait en effet référence au sujet dans les trois langues : espagnole, japonaise et française. ». C'est en solo que cette actrice-danseuse au parcours très riche (de longues années de formation, tant au Mexique qu'au Japon) s'apprête à livrer son œuvre.

 

 

 

L'affiche du festival

 

Un spectacle intense

 

De l'ombre...

Il est 20h30, les lumières s'éteignent. Seul subsiste un oppressant éclairage bleu qui tombe sur la scène et impose le silence. Arrive alors un personnage tout droit sorti des traditions japonaises, vêtu dans cet esprit, et se déplaçant lentement. Le visage est pâle et figé, difficile d'y déceler la moindre expression. Et pour cause… ce n'est pas une figure humaine mais un masque sobre et inquiétant. Le programme annonçait ce premier mouvement comme « l'obscurité de l'obscurité, un être perdu dans l'obscurité », et c'est en effet au cœur de l'ombre qu'est poussé le spectateur. Le costume noir d'Irène, qui la drape presque, ne semble être là que pour noyer ses mouvements pourtant si précis et exécutés avec une grande maîtrise. Elle se déplace, tombe, se relève, sort un éventail, le déploie et le manie, et plonge celui qui la regarde dans une illusion saisissante. Car le tour que réussit la danseuse à ce moment là est remarquable. Ces gestes qui peuvent sembler malgré tout presque communs sont en fait réalisés de dos. Le masque ne recouvre pas le visage d'Irène (caché par une longue chevelure noire postiche), mais bien l'arrière de son crâne. Seule l'orientation de ses mains peut laisser entrevoir la réalité. Elle continue de bouger comme si de rien n'était, toujours dans une obscurité inquiétante.

 

Le deuxième mouvement du spectacle s'intitule « Un voyage dans le métro » : Les miroirs du métro. La rencontre de moi en toi et de toi en moi. ». En effet, Irène stimule alors notre imaginaire face à notre expérience du métro et à la sienne. A chaque mouvement, elle se réinvente une identité. Tour à tour enfant, jeune fille superficielle, homme ou vieillard, elle mime des situations quotidiennes qui ont lieu dans le monde souterrain des transports : le bruit, le monde, l'agitation, l'hypocrisie, la possession de la dernière place assise. Entre chacun de ces personnages, elle s'avance vers le public, ouvre un éventail qu'elle pose par terre face à elle, et se regarde dedans. Le silence est total dans la salle. Elle est alors prise d'une sorte de transe qui lui fait pousser des cris de douleurs ou de joie (on ne sait jamais vraiment), et qui lui font prendre des postures assez invraisemblables. Ces interruptions se répètent plusieurs fois, jusqu'à ce que l'artiste s'enroule dans un drap noir posé sur scène et disparaisse des yeux des spectateurs. Elle danse dans ce drap, et il est alors difficile de savoir où est exactement chaque partie de son corps.

 

...vers la lumière.

Il est alors temps de passer au troisième mouvement : « Un être en marche vers la lumière ». Lorsque Irène surgit du drap noir, elle est quasiment nue. On est sorti de l'agitation du métro et c'est maintenant autour de la lumière que tout se joue. La danseuse semble être à la recherche d'une porte de sortie, matérialisée par la lumière. Une grande intensité règne dans ce dernier mouvement. Les spectateurs vont finalement voir Irène, de profil, atteindre son but en marchant vers la lumière, sur un côté de la scène.

Lorsque le spectacle s'achève, Irène vient alors saluer son public plusieurs fois, visiblement très émue, tout comme quelques personnes dans le public qui laissent échapper des larmes. Irène Akiko Iida nous a mené pendant une heure aux confins de son imagination et de la notre. N'est-ce pas là la vertu du Festival de l'Imaginaire ?

 

RETROUVEZ L'INTERVIEW DE LA DIRECTRICE ARTISTIQUE DU FESTIVAL EN CLIQUANT ICI.

Irène en pleine action

 

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